mercredi 8 octobre 2008

Karl Lagerfeld, un roi seul

Dans l'effervescence de la Fashion Week, le reportage de la collection Empreinte dédié à Karl Lagerfeld serait presque passé inaperçu. Et pourtant, contrairement au film "Lagerfeld Confidentiel", dont le titre un peu prétentieux prétendait dévoiler enfin la face cachée du couturier le plus énigmatique de notre siècle, ce portrait dressé par Thierry Demaizière et Alban Teurlai se veut plus intéressant. Pourtant, aucune révélation inédite ni de confession fracassante... Qu'importe, le ton simple est touchant, et pour vous donner une idée de l'intérêt de ce portrait, le couturier n'a soulevé qu'une seule chose qui n'ait trouvé grâce à ses yeux : c'est le titre "Karl Lagerfeld, un roi seul". "J'ai l'impression, confie-t-il, que les gens veulent toujours me coller cette solitude...Mais quand je suis seul, c'est parce que je le veux bien, comme dirait l'autre !"
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Dès le début, le ton intimiste de même que l'objet du reportage sont annoncés. Nous n'apprendrons rien d'autre que ce que Karl Lagerfeld ait décidé de nous dévoiler. La marionnette est devenue une image, travaillée et conduite à l'image d'une image de marque, afin de préserver et renforcer son mystère.
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Filmé dans l'ombre au milieu de sa bibliothèque et de ses quelques 50 000 ouvrages, le créateur de mode pourtant habitué aux feux des projecteurs évoque son passé en toute simplicité. Et nous comprendrons pourquoi Karl est devenu Karl Lagerfeld à travers le rôle capital qu'a joué le règne de cette mère omniprésente. Cette mère parfaite qui en le confrontant à ses faiblesses, lui apprendra l'art de l'auto-dérision. C'est aussi grâce à elle qu'il se mettra au dessin, un jour qu'elle lui dira : "tu n'as aucun talent pour le piano, dessine donc ! Cela fait moins de bruit !". Pour elle, il façonnera également sa diction si singulière en apprenant enfant à parler très vite, et comme un adulte en assimilant chaque jour une page du dictionnaire, pour que sa mère dont la compagnie des enfants l'ennuie, l'écoute enfin jusqu'à la fin. De son père polyglotte, il héritera cet acharnement au travail et cette facilité dans l'apprentissage des langues étrangères.
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De son enfance passée au fond d'une campagne perdue en Allemagne, il gardera le souvenir et le désir de s'évader de cet ennui profond. C'est en France, dont la représentation parfaite correspond dans son esprit au Château de Versailles, qu'il veut vivre. Et cette volonté se renforcera lorsqu'il accompagnera sa mère à un défilé de Christian Dior qui présentait alors la ligne Ciseaux en 1949.
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La suite, vous la connaissez ! Son arrivée à Paris où il apprend le français dans les salles de cinéma, cette jeunesse à écumer les boîtes de nuit branchées, sa fascination pour l'époque pop-art d'Andy Wharol et la décadence qui la caractérise, admiration transposée aujourd'hui sur Amy Winehouse, son amitié avec Yves Saint Laurent jusqu'à ce malentendu en 1975, mais je reviendrai sur ce point avec un post dédié au livre d'Alicia Drake, Beautiful People. Yves Saint Laurent et Karl Lagerfeld : deux noms qui marqueront l'histoire de la mode. Le premier en construisant une renommée autour de son nom, le second en étant le premier à se faire un nom avec un nom qui n'est pas le sien.
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vidéo enmodefashion sur vimeo
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C'est en effet, en 1983, que Karl Lagerfeld relève ce périlleux challenge : réveiller la Belle au bois dormant, comme on surnommait alors la maison Chanel à cette époque. Et en visionnant ce reportage, et quelques passages inédits où Gabrielle Chanel s'exprime, je ne peux m'empêcher de penser ce que serait devenue cette maison mythique, si elle serait restée entre les mains de Gabrielle Chanel ou de ses successeurs qu'elle aurait elle-même désigné. Malgré tout le respect que je porte à cette grande dame dont le nom a marqué l'histoire de la mode et de la France, j'ai en effet eu un peu de mal à comprendre son discours sur l'absence d'esthétisme de la mini-jupe. Karl Lagerfeld soulève d'ailleurs ce décalage à la fin de la carrière de Gabrielle Chanel.
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Évidemment, Karl Lagerfeld ne serait pas cette célèbre marionnette sans ce narcissisme caractérisé et ses phrases parfois assassines, alors lui-même le dit : "Je veux bien être gentil, mais je ne veux pas que cela se voit".
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Photos Karl Lagerfeld - vidéo enmodefashion
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